Pourquoi ?


        J’ai toujours aimé raconter des histoires. Les mots sont beaux et ils sont puissants. Mais ils sont puissants. Parfois, ils sont de trop. Les images créent une nouvelle narration. Moins subtile. Qui l’est plus en même temps. Car elles ne brident pas. Elles permettent une nuance propre à chacun. De trouver l’adjectif le plus approprié. Et il est difficile de mettre des mots sur cette imagerie de l’intime. Où règne le silence le plus complet. A peine un murmure. Un souffle. Le temps d’une émotion. Celle intérieure qu’il est ardu de dévoiler. C’est se mettre à nu et dire : « regardez, voilà ce que je vis ». C’est ce que je suis et en même temps, c’est ce que je vois. Des détails insignifiants. Un quotidien. Peut-être répétitif. Mais avec ces marqueurs d’habitude qui font que l’on s’y sent bien. Et qu’on s’y attarde. Et qu’on regarde. Plus près. Pas de grandes fresques épiques. Juste mettre le doigt sur ce qu’on ne fait qu’apercevoir parfois. Et qui est vecteur de l’imagination la plus grande. Parce qu’elle y trouve une nouvelle reconnaissance. Des êtres. Des choses.
       Cerbère est mon double, cette entité créatrice à trois têtes, autant d’esprits qui fourmillent. Un chien, animal à la gueule familière. Qu’on pourrait presque caresser. Si derrière cet air connu ne se cachait la difformité. Elle surprend. Elle rebute. Trois têtes, ce n’est pas commun. Et elles tirent sur leurs colliers. Essayant d’échapper à ce maître qu’est ce corps tout-puissant. Un. Elles aimeraient n’en faire qu’à leur tête. L’une aboyer. L’autre mordre. La dernière gémir. Chacune pense à sa manière. S’exprime à sa manière. Mais elles ne peuvent marcher que dans la même direction. Tributaires du même véhicule. Les pattes leur sont indispensables. Coupez-leur la tête. Elles ne repousseront pas. Alors, elles grondent, se querellent. Mais leur but est commun. Garder la porte des Enfers. Cerbère est le dernier des vivants. La dernière ombre avant la nuit. Lui tournant le dos. Tendant le cou vers le jour. Mais irrémédiablement bloqué ici. Sur le fil. En marge. Entre chien et loup.